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S’ouvrir à l’inconnu (1/3)

S'ouvrir à l'inconnu 1/3 - Sandrine WALBEYSS

Anthary était planté devant l’affiche depuis dix minutes. L’intitulé de la conférence l’avait intrigué. « La littérature imaginaire. Un test rapide pour évaluer votre degré de résistance à la nouveauté. » Trois intervenants étaient annoncés. Une auteure de fictions fantastiques, une psychologue et un psychogénéalogiste.

Il avait du mal à situer l’évènement. L’annonce relevait des solutions faciles proposées à tous les coins de rue pour révolutionner le quotidien d’un coup de baguette magique. Le système du test rapide en vingt-cinq questions s’étalait dans tous les magazines, et le passage au tout numérique n’avait rien changé.

Journaliste dans l’un des plus grands groupes de presse de Dakyrie, Anthary n’avait jamais été attiré par la littérature imaginaire. Son truc c’était les policiers, les romans à suspense, les thrillers. Cependant, la présence du psychogénéalogiste l’intriguait.

Il l’avait rencontré deux ans auparavant, pour une série d’articles sur les médecines parallèles, celles qui soignent le corps avant qu’il ne soit malade. Réticent à l’idée d’énergies invisibles, Anthary avait commencé l’entretien avec la distance moqueuse d’un scientifique face à un croyant. L’interview, qui devait durer une heure, s’était poursuivie sur trois jours.

Anthary se souvenait très bien de sa surprise, à mesure que le psychogénéalogiste remontait le fil de son histoire. Les concordances de dates, d’âge, les évènements qui se répétaient sur plusieurs générations, tout était là, dans sa propre famille. Il ne pouvait pas occulter le fait que son père, son grand-père et son arrière-grand-père, chacun aîné de leur fratrie, avaient tous perdu leur mère à l’âge de dix-huit ans.

Ce qui était jusqu’alors une tragédie familiale, de celles qu’on évitait de mentionner, s’étalait sous un nouvel éclairage. Après la rencontre, Anthary avait repris son quotidien. Sa mère était toujours en vie, et la « malédiction » familiale, quelle qu’elle soit, avait visiblement pris fin.

Mais un évènement familial tragique, la mort de sa tante, un mois plus tôt, alors que sa cousine venait de fêter ses dix-huit ans, venait de rouvrir le débat. Y avait-il vraiment un héritage ancestral qui se transmettait de génération en génération ? Anthary regarda l’affiche. Un test rapide. C’était tentant. La littérature imaginaire, beaucoup moins. Il détestait ces mondes parallèles avec des dragons, des pouvoirs magiques et des noms imprononçables. Il haussa les épaules. C’était maintenant ou jamais, la conférence commençait dans deux minutes. Deux heures de conférence, il devrait pouvoir tenir.

Il poussa la porte.

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