Ce matin, je suis retombée « par hasard » sur un article que j’avais écrit il y a quelques années pour le blog Yllaé. Malgré quelques erreurs que je n’avais pas remarquées à l’époque, j’envisage de le retoucher et de le remettre en ligne.
Je m’y attelle. Première relecture, je corrige quelques tournures et des fautes de frappe. Deuxième passage, je trouve que le sujet demeure pertinent, plus largement que pour les personnes citées à l’origine (accompagnants de personnes vulnérables). Je modifie plusieurs paragraphes et parcours l’ensemble. Finalement, il me demande plus de travail qu’envisagé. Je regrette presque d’avoir commencé, mais je n’aime pas abandonner en cours de route. Je reprends du début, prête à remodeler le récit autant que nécessaire.
Et là, une pensée me titille. Le texte est écrit à la troisième personne, comme pour une analyse extérieure. Sauf que le projet Ouvrez votre Présent s’ancre dans mon vécu. Chaque carte des jeux et chaque article de la série raconte un pan de mon histoire. Celle d’une enfant à la vie banale, mais qui, dès que je creuse un peu, m’amène à découvrir des monceaux de surprises, d’émotions non digérées, de conditionnements, d’ouvertures et d’aventures. Alors sur ce sujet, où se situe mon vécu ?
Dans la naissance de ma fille.
Moi aussi, j’ai accompagné une personne vulnérable. Moi aussi, j’ai fait de mon mieux pour ne pas m’oublier en prenant soin d’elle. Mais je n’ai pas toujours réussi. Il y a eu des hauts et des bas, de grandes joies et des détresses. Jusqu’à cet instant, je n’avais pas mesuré le rôle d’un parent. Pas réellement.
Ce que j’ai fait pour ma fille est un choix. J’ai volontairement mis des pans de ma vie de côté pour prendre soin d’elle. J’avais envie de lui offrir le présent d’une enfance choyée. Cela valait bien quelques sacrifices. Mais aujourd’hui, le vent tourne. Elle a huit ans et demi, et ce dont elle a besoin, c’est que je lui montre comment écouter ses désirs autant que ceux des autres.
Ce dont j’ai besoin, moi, c’est de me retrouver. D’observer qui je suis aujourd’hui. De rassembler les souvenirs de qui j’étais et de les confronter à l’espace qui s’ouvre devant moi.
Certaines joies ont persisté. Lire me ressource toujours. Écumer les rayons de la bibliothèque et repartir avec une dizaine de livres me réjouit à l’avance de récits inattendus et d’émotions partagées. La lecture est mon refuge. Un havre de paix qui s’agrandit à chaque nouvel auteur. La curiosité me guide.
D’autres évoluent. Je n’ai plus envie de jouer de la musique, mais j’aime toujours l’écouter. Mon corps se révèle dans le mouvement. La danse me fait vibrer. Une nouvelle aventure s’esquisse.
Et il y a celles que je découvre. Je me croyais timide, je me retrouve avide de partage et de rencontres. J’aime la fraternité. Celle du sourire qui accueille et des mots qui réconfortent. J’aime les débats ouverts, où tout est posé sur la table, sans évitements et sans peur, juste pour le plaisir de vivre avec les autres. Là où je peux ne pas être d’accord avec toi, mais où un éclat de rire nous réunit.
Mes forces, ce sont celles qui m’ont porté pendant ces années. La détermination, l’adaptation. Quelqu’un a dit « avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants ». Ils nous enseignent la voie du cœur. À nous de la suivre, à notre manière. La volonté de guérir et de grandir. L’acceptation de mes limites et de mes faiblesses. L’émerveillement devant la beauté de la vie et des émotions.
Avec ma fille, j’ai retrouvé la joie de l’instant. Celle de l’enthousiasme immédiat, sans peur et sans arrière-pensée. Celle qui illumine notre présent si nous savons la recevoir.