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Rencontre avec Auréline B.

Dans la vie, il y a des rencontres évidentes. Des personnes qu’on croise (presque) par hasard et avec qui le courant passe tout de suite. Des personnes formidables qu’on est heureux de découvrir le temps d’une discussion ou avec qui partager un bout de chemin.

L’objectif des articles « Rencontre avec » est de mettre en lumière le parcours, les activités, les projets ou les rêves de certaines d’entre elles.

Pour l’inauguration de la série, je suis ravie de vous présenter Auréline B, auteur et illustratrice engagée. Auteur sans ice et sans e, puisque cela n’a aucune incidence sur sa capacité à écrire, mais illustratrice, car lorsque le mot existe, pourquoi s’en priver.

Lorsqu’on croise Auréline, c’est un coin de ciel qui s’invite dans la pièce. Une teinte bleue attire notre attention, mais c’est sa personnalité qui nous retient ensuite. Elle a tant de choses à raconter.

Autiste or not autiste, that is the question

Lorsque nous avons réalisé cet entretien, Auréline venait d’apprendre sa reconnaissance officielle en tant qu’autiste, après six ans de procédure. Une première étape franchie pour l’obtention du statut de travailleur handicapé qui lui permettra d’avoir des conditions d’emploi adaptées à ses besoins.

Comme je méconnais l’autisme, je lui demande de m’en dire plus sur le sujet.

Auréline me raconte qu’elle s’est toujours sentie différente. Dans sa bulle, elle invente, écrit et dessine des histoires, se laisse porter par sa passion des monstres et des dinosaures. Mais lorsqu’elle en sort, le monde bruisse autour d’elle dans une cacophonie qu’elle absorbe comme une éponge. Souvent difficile, parfois agressif ou harceleur, le monde extérieur est une contrainte de chaque instant. Pour tenter de se fondre dans la masse, elle observe les gens et calque son comportement sur celui des autres. Comme ils sourient beaucoup et que c’est un marqueur social primordial, elle apprend à sourire. Ce n’est pas anodin. Ce qui consiste pour les neurotypiques en l’expression (souvent inconsciente) d’une émotion lui demande un travail constant. Auréline décide de sourire. Elle est donc une petite fille réservée et souriante, une enfant parfaite.

© Auréline B 2023

En 2016, après des études de vente, elle devient auxiliaire de vie scolaire pour une jeune fille autiste. Pour l’aider à appréhender l’autisme, la mère de l’élève la forme et lui prête des livres. C’est à ce moment-là qu’Auréline réalise que beaucoup de choses lui correspondent. Cela l’interroge. Comment imaginer que ses parents soient passés à côté ? Peut-elle être autiste et que personne ne l’ait vu avant ? Est-ce qu’elle invente ça pour se faire remarquer ?

Elle continue ses recherches et prend rendez-vous avec un psychiatre pour un bilan. La première rencontre se déroule bien et le médecin valide le diagnostic d’autisme. Cependant, le processus de reconnaissance de l’autisme en France impose plusieurs entretiens avec des professionnels différents. Et là, c’est la douche froide. Car les avis sont partagés. Certains s’accrochent à des marqueurs « clichés et erronés » de l’autisme (les autistes ne sourient pas, ils ne parlent pas avec les mains…) et refusent le diagnostic. À chaque rejet, il faut reprendre la procédure du départ.

Auréline poursuit ses recherches. Elle recense les exemples de personnalités autistes dont les aptitudes démontrent que les autistes sont avant tout des individus (Laura Laune, Florence Mendez, Julie Dachez, Valérie Jessica Laporte, Audrey Alwett ou encore Mélanie Fazi). La variété des symptômes dépend du caractère de la personne autant que de son environnement. Elle note aussi la récurrence de diagnostics plus tardifs chez les femmes. Dans nos sociétés, une femme réservée et qui parle peu ne se remarque pas. Les filles autistes ont souvent des intérêts restreints (passion pour un centre d’intérêt envahissant) plus socialement acceptables. Personne ne prête attention à un enfant qui se passionne pour les chevaux, mais lorsqu’il commence à collectionner les plans de métro, on s’interroge.

Au quotidien, Auréline sent que ce n’est pas une lubie. Lorsqu’elle participe à des salons du livre, il lui faut plusieurs jours pour récupérer du bruit et des sollicitations constantes. Quand elle travaille dans une galerie marchande, les heures empilent les inconforts. Bips des articles en caisse, claquements de talons, discussions… Même la salle de pause est une zone de danger. Musique, rires, cafetière… Elle ne rêve que de silence et de calme, malgré son intérêt pour les produits vendus (des livres). Alors elle poursuit son parcours.

Auréline m’explique qu’il y a autant d’autismes que d’autistes. Comme les neurotypiques, chaque individu incarne une palette unique. Ceux qui sont représentés dans les médias sont le plus souvent non-verbaux (échanges très limités avec l’entourage) ou à haut potentiel. Cela laisse dans l’ombre les milliers d’autistes qui ont appris à parler, à reproduire les intonations de la voix, à sourire et qui sont devenus invisibles dans la société.

Enfin, à l’automne 2023, son TSA (trouble du spectre autistique) est reconnu.

© Auréline B 2023

Le SOPK, késako ?

Au début de l’histoire, Auréline est en couple depuis plusieurs années et arrête sa contraception afin d’avoir un enfant. Ils travaillent tous les deux et le moment semble propice. Cependant, les mois passent et, malgré l’absence de règles, aucune grossesse à l’horizon. Auréline prend donc rendez-vous chez un gynécologue qui effectue un examen de routine et conclut « vous n’aurez jamais d’enfant ». À vingt-deux ans, Auréline ne le sait pas encore, mais elle vient d’entrer dans un processus encore plus long que celui de l’autisme.

Orientée par son médecin traitant vers une spécialiste de l’infertilité, elle suit tous les traitements avec application pendant plus de trois ans. Surprise de ne pas avoir d’autres examens, elle est surtout inquiète des symptômes. Alors qu’elle a perdu l’appétit, elle a pris plus de 70 kg. On lui dit que c’est dû aux traitements avant de la diriger vers un centre spécialisé dans les fécondations in vitro (FIV). Ici, les examens se succèdent, souvent inconfortables, parfois douloureux. Auréline finit par obtenir un diagnostic. « C’est le SOPK. Il n’existe aucun traitement. Vous devez perdre du poids. Objectif : -20 kg pour le prochain rendez-vous. »

Une fois de plus, Auréline s’attelle à la tâche. Cet enfant, elle l’espère tant. Elle se met au régime, marche au lieu de prendre les transports en commun… Bilan à la visite suivante : +3kg. Le centre de FIV lui propose de l’orienter vers un centre pour personnes obèses. Mais Auréline n’en peut plus. Des examens. Des contraintes de régime et de traitements. Des sentences abruptes qui détruisent vos rêves sans égard. Elle décide d’abandonner.

© Auréline B 2023

Sa sœur Mélanie entre en scène. Elle prend rendez-vous pour Auréline chez sa gynécologue et l’accompagne. Sans regarder les documents qu’Auréline a amenés, le médecin effectue ses examens et diagnostique immédiatement un SOPK. Elle prend le temps d’expliquer à Auréline (ce que personne n’avait jamais fait) ce que c’est (syndrome des ovaires polykystiques, c’est-à-dire un dérèglement hormonal), quels peuvent être les symptômes (la prise de poids en fait partie), et confirme qu’on ignore quelle en est l’origine ou comment le guérir. Quand Auréline déménage, elle ne peut poursuivre le suivi avec ce médecin, mais sa sœur (qui elle, n’abandonne jamais !) lui prend rendez-vous avec un spécialiste dans sa nouvelle ville.

Quand Auréline raconte son parcours au professeur, il bouillonne d’incompréhension face à l’attitude de ses collègues. Attentif à ses patients, il explique à Auréline le fonctionnement de la maladie. La plupart des femmes possèdent 8 à 12 follicules par ovaire, l’un d’entre eux grossit chaque mois, c’est l’ovulation. Le SOPK bloque la maturation des follicules qui s’entassent (jusqu’à plus de 40 follicules par ovaire pour Auréline) et n’arrivent pas à grossir. Il lui explique aussi les étapes envisageables pour avoir un enfant. Dans son cas, un « drilling ovarien » permettrait de réduire le nombre de follicules afin de procéder à une FIV. Il souligne la durée de la convalescence, ce n’est pas une intervention anodine, et les résultats visibles seulement 6 mois plus tard.

Bien accompagnée, Auréline se bat à nouveau pour accueillir un enfant. Ce sera l’opération. 3 FIV et une fausse couche plus tard, le critère poids refait surface. L’absence d’hormone de satiété ainsi que la résistance à l’insuline due au SOPK compliquent la donne. Sans compter les autres symptômes : hyperandrogénie, migraines, douleurs pelviennes ou articulaires, anxiété, fatigue, insomnie… Une fois la grossesse commencée, d’autres risques peuvent apparaître ou s’amplifier. Diabète gestationnel, pré-éclampsie…

Treize ans après l’arrêt de la pilule, le couperet des 4 FIV remboursées approche. Auréline sait qu’elle n’aura pas les moyens de continuer, qu’il ne lui reste que 2 FIV possibles (la première ne comptant pas, car abandonnée avant la fin à cause du covid) et le SOPK n’est pas reconnu comme une affection de longue durée.

© Auréline B 2023
© Auréline B 2023

Et la création dans tout ça ?

Depuis son enfance, Auréline imagine des histoires. Des récits qu’elle écrit sur les pages vides de ses cahiers ou qu’elle dessine dans les marges. Adolescente, alors qu’elle envisage de faire de la BD, des retours moqueurs sur ses œuvres l’en dissuadent. Elle remise ses rêves et s’oriente vers la vente.

Quelque temps plus tard, elle découvre les romans de Linda Saint Jalmes et s’inscrit sur le forum de l’auteure. C’est une ouverture. Non seulement celle-ci lui parle, mais elle l’encourage. C’est aussi sur ce forum qu’elle rencontre Dyane, avec qui elle signera son premier roman Ahïn. Après une mauvaise expérience avec un éditeur, Auréline décide de monter sa propre maison d’édition : Loup d’argent. Après quelques années à promouvoir ses livres et ceux de Dyane, elle choisit d’éditer uniquement ses ouvrages.

En parallèle, Auréline rejoint des illustrateurs sur Discord et participe à un projet de jeu de cartes. Même si le projet n’a pas abouti, elle a pu faire de belles rencontres et renforcer son expérience au contact d’illustrateurs et d’un directeur artistique professionnels. L’émulation du groupe perdure et les enthousiasmes se répondent à l’affût de nouvelles aventures.

Ses projets

Déjà auteur d’un livre sur les « Légendes et coloriage du Japon », Auréline se lance dans les ouvrages suivants de la série. Après « Héros et monstres de la mythologie grecque » dont le texte est rédigé et qui est en cours d’illustration, le prochain thème vient d’être choisi par les internautes. Il s’agira des « Contes d’Europe ».

Côté roman, plusieurs pistes contiennent déjà des gigas de données d’études. Une série sur un monde alternatif avec ses lois, ethnies, religions… dont chaque livre explorerait une époque différente. Mais aussi des histoires de type romance SF ou fantasy dans le style des livres dont vous êtes le héros.

Auréline travaille aussi sur plusieurs projets engagés sur l’autisme et le SOPK. Elle partagera en BD ou en album illustré, voire en roman, son expérience et son parcours. Elle a éprouvé la difficulté de faire face à des problèmes encore trop peu connus, et dont les diagnostics à retardement isolent des centaines de femmes dans un quotidien inadapté. Elle a déjà commencé à partager des articles et des informations sur le SOPK, que vous pouvez retrouver sur sa page Facebook ou sur Discord.

Lizzie et Adam, personnages de la BD sur le SOPK
© Auréline B 2023

Pour la contacter

Retrouvez Auréline B et ses créations sur :

– son site internet

– Discord (son réseau favori)

– Instagram

– Facebook

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