Il était une fois un petit rêve. Installé au plus profond de mon être, il avait mis des années à grandir. Il s’agissait de trouver un but à ma vie. De dépasser le métro (pas arrivé jusque chez moi) — boulot (des années à essayer des choses et d’autres pour dénicher ce qui me plairait) — dodo (que je recommande sans hésiter, car mes voyages nocturnes me font découvrir des contrées que je n’imaginais même pas).
Persévérant, ce petit rêve a poursuivi son but sans faiblir. Malgré les obstacles, les ajournements et les déceptions, il a compilé sans relâche les morceaux de puzzle qui lui convenaient, sans s’attarder à trouver comment les harmoniser tant ils semblaient différents. Parfois fatigué, il ne s’est jamais découragé, continuant d’avancer, pas à pas, une expérience après l’autre.
Quand on lui demandait pourquoi, il réfléchissait, mais aucune réponse ne paraissait censée. La plus adaptée était parce que. Parce qu’il ne voyait pas quoi faire d’autre, parce que ça l’amusait, parce que la curiosité le menait de découverte en découverte, les plus étonnantes n’étant pas toujours les plus lointaines, en tout cas géographiquement.
Depuis quelques années, le puzzle avait pris forme. Il manquait bien quelques fragments, mais globalement, l’image était nette. Dans les morceaux absents, le petit rêve s’était concentré sur une pièce. Il lui semblait que c’était la plus importante. Mais il avait beau la chercher, aucun résultat. Là encore, il avait persévéré, fouillant encore et encore chaque possibilité.
À bout d’idées et de forces, il avait fini par laisser tomber. Par se dire qu’il ne trouverait jamais cette fichue pièce, et qu’après tout, il serait aussi bien sans. Il avait toutes les autres, alors celle-là, plus rien à faire. Il avait commencé d’étudier la meilleure manière de la remplacer sans que ça se voie. Colorier le socle laissait une différence de niveau, pas top. Découper un bout de carton ajoutait une texture moins lisse. Mais de loin, ça ne se remarquait presque pas.
Le truc, c’est qu’il le savait, le petit rêve, qu’il manquait une pièce. Alors dès qu’il regardait le puzzle, il ne voyait plus que ça. Le trou, là, en plein milieu, rien n’y faisait. Pourtant, il y avait mis toute sa volonté. Faire comme si, oublier ce rêve absolu et fou de terminer le puzzle, se dire que ça irait bien comme ça. Mais il le savait. Ça n’avait jamais marché. Le « ça ira bien comme ça » porte en lui un regret. Celui de ne pas être allé au bout de son idée. Celui d’avoir arrêté en route, pour une raison ou pour une autre. Et ça, le petit rêve n’en veut plus. Il en a soupé des regrets. Il préfère les remords, parfois ça ne se passe pas comme prévu, mais au moins, on a tenté.
Alors le petit rêve a repris le chemin. Il ne sait pas encore quand il trouvera la pièce. Il n’est même pas certain de la trouver un jour. Mais il continuera de chercher. Parce qu’il a essayé sans, et que c’est moins bien. En attendant, il sait aussi que s’il ne la trouve pas, ou pas tout de suite, ce n’est pas si grave. Mais il ouvre l’œil, au cas où il ne la reconnaîtrait pas du premier coup, parce que les bonnes surprises, ça arrive !
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