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Exercice N°1 Stephen King

Aujourd’hui je souhaite partager avec vous le texte qui m’a été inspiré par l’exercice n°1 du livre de Stephen King : Écriture, mémoires d’un métier (titre original : On writing a memoir of the craft).

Ce livre, publié en 2000, vient d’atterrir sur mon chemin d’écriture, par l’un de ces fabuleux hasards qui jalonnent notre vie. Je suis ravie d’être en contact télépathique, au-delà de l’espace et du temps, avec l’auteur de tant de titres renommés.

L’exercice en question consiste à renverser la situation d’une femme battue par son mari, emprisonné pour ce fait, et dont elle sent la présence au moment où elle apprend qu’un prisonnier s’est échappé.

Vous trouverez donc ci-dessous mon récit. Bonne lecture !

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Quelle ironie !

Je l’ai senti tout de suite.

Une odeur de sueur cachée sous un parfum bon marché. Une odeur qui n’était pas là deux heures plus tôt lorsque j’avais quitté la maison pour emmener ma fille à son cours de théâtre.

Cassy adore le théâtre. C’est sa première année, ils ne les acceptent qu’à six ans. Une bulle d’air, pour elle comme pour moi. Un moment extrait de notre quotidien pesant, englué, déprimé.

Mes amis pensent que j’ai de la chance de vivre ici. Quelle ironie ! Ils ne savent pas ce que représente cet endroit. Tout ça, c’est elle. La couleur des murs, le motif des rideaux, le nain de jardin au bord de la terrasse. Ce fichu nain qui me surveille jour et nuit. Je t’ai vu Harry, tu as encore été un vilain garçon. Dit à Molly pourquoi elle doit te punir.

Ce n’est pas avec mon salaire de balayeur que j’aurai pu me payer une baraque comme ça. Autrefois peut-être, dans un autre espace temps, dans une histoire où je n’aurai jamais mis les pieds dans ce bar, et où je serai avocat, au service de la loi et de mes concitoyens. Une belle vie, avec une femme qui m’aime et de beaux enfants…

Non. Même ça elle me l’a pris. La grossesse a fait sortir le pire d’elle, elle est devenue vicieuse, méchante, tranchante, mais elle m’a fait un cadeau qu’on ne refuse pas. Ma fille, Cassy. La plus belle chose qui me soit arrivée depuis ce foutu verre.  Je n’ai jamais compris comment un être aussi monstrueux avait pu donner le jour à une petite fille aussi adorable.

Le combat entre l’inné et l’acquis est toujours d’actualité hein ? Peut-être que l’arrestation de Molly pour détournement de fonds nous a sauvés. Elle a disparu de nos vies depuis trois ans, enfin disparu, pas tout à fait. Nous sommes piégés ici, dans la maison dont elle a hérité de ses parents, imprégnée de sa présence et des cinq années de brimade qui ont précédé son enfermement. Quelle ironie. Cette femme bien sous tous rapports, encensée par les médias et ses collègues, s’est révélée être une menteuse et une voleuse.

Je n’ai pas été surpris, mais je connaissais l’envers du décor. Le visage sans fard de la méchanceté gratuite. Je n’ai jamais rien dit à personne. Comment aurai-je pu ? Avant, aucun d’eux ne m’aurait cru, et après j’aurai eu l’impression de tirer sur une ambulance.

Alors je suis coincé là. Sans elle mais avec sa présence dans tous les coins. Le fauteuil où elle s’asseyait pour m’observer. Le coin de la table qui m’a laissé cette cicatrice en bas du dos. Le bord du plan de travail avec la tâche de sang. Elle n’y est plus bien sûr, mais mon corps sait qu’elle était là. Tout me parle d’elle. Le tapis persan, les coussins à fleurs. La seule chose qui manque est son vase préféré. Je l’ai cassé. Fracassé par terre dans un élan de liberté inédit pour moi. Un élan qui ne s’est jamais reproduit. J’appréhende le jour où elle reviendra. Quinze ans de réclusion c’est long, mais ce n’est pas infini. Elle reviendra, forcément, et j’en tremble d’avance.

À mesure que j’avançais vers le coin de la maison, l’odeur devenait de plus en plus forte. Décidé à savoir, je tournais à l’angle d’un pas décidé pour me trouver face à une policière.

– Monsieur Dubois ?

– C’est moi. 

Je fus distrait par un mouvement derrière elle. Une autre femme se tenait là. Petite, soignée, avec un tailleur vert et des chaussures à talon. 

– Je suis désolée, nous avons une mauvaise nouvelle. 

Sa voix était mélodieuse comme le chant d’un petit oiseau. Ses mots avaient du mal à pénétrer mon esprit. Une mauvaise nouvelle ?

– C’est ma femme ? demandai-je, soudain affolé. 

Ce ne pouvait être que ça. Elle allait être relâchée. Elle serait là dans quelques mois. Quelques semaines ? Quelques jours ! Je sentis une goutte de sueur couler dans mon dos. J’avais la tête qui tournait, la fièvre montait.

– Non, ne vous inquiétez pas, votre femme va bien. 

La petite femme s’était avancée pour poser la main sur mon bras. Quoi alors ?

– C’est votre maison.

Ma maison ? Je levais les yeux vers le bâtiment qui nous dominait. Je ne comprenais pas.

– Il y a des problèmes de radon dans le quartier monsieur Dubois. La mairie réquisitionne tous les bâtiments de la rue. Vous devez quitter votre maison monsieur, ajouta-t-elle devant mon air perplexe. La mairie vous relogera. Bien entendu, je ne peux pas vous promettre que ce sera aussi grand mais… 

– Ce sera parfait. 

Je venais de comprendre les mots qu’elle avait prononcés. Quitter cette maison ? Partir d’ici ? Et elle appelait ça une mauvaise nouvelle ? Quelle ironie !

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