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Démocratie Callysthie

Démocratie Callysthie - Sandrine WALBEYSS

Les cités-États des Mille Terres.

Un système à part, qu’aucune autre planète n’avait développé. La géographie de Callysth n’y était sans doute pas étrangère. La plupart des cités se trouvaient en effet sur le labyrinthe situé au milieu des eaux. Une configuration surprenante, où alternaient des terres émergées, des plaines, des collines et des abysses vertigineux. La particularité des Mille Terres était la route qui reliait chacune d’entre elles selon un schéma complexe. Yerru en connaissait environ cinquante pour cent, soit plus que la plupart de ses concitoyens. Ceux-ci ne sillonnaient souvent que leur propre cité-État, les terres environnantes et les endroits les plus attractifs de la planète, tels les Quatre Arches, les Trois Lacs de Blykosh, la Mer de Froum, la plage d’Atathonn ou le détroit de Nobi-Nod.

Ce matin, Yerru n’était pas très à l’aise. Il tira sur le col de sa chemise, comme si cela avait pu lui donner un peu d’air. La lavallière traditionnelle de Tvinton ornait le devant de son costume. Il portait aussi le pantalon bouffant et les bottes en cuir, mais il avait remplacé le manteau par une courte veste à rayures, plus adaptée au climat de Nyenone. Ce n’était pas la première fois qu’il venait dans la capitale des Mille Terres, mais la raison de sa présence changeait tout. Sa perception des bâtiments qui l’entouraient comme son regard sur les passants qu’il croisait. Rien n’était identique, et pourtant rien n’avait changé, si ce n’était la structure qui recouvrait une partie du lac. C’est là que les représentants seraient hébergés pendant l’année qu’allait durer la rédaction de la nouvelle constitution.

Le processus était bien rodé. Tous les vingt ans, deux représentants de chaque cité-État étaient choisis par leurs concitoyens pour participer à cet évènement. Cette constitution serait la quatre-cent-quarante-quatrième depuis la fin de la guerre de Parosse. Si les discussions avaient été longues à la fin de la guerre avant d’arriver à un consensus, tous les callysthis avaient mesuré l’impact de ce nouveau fonctionnement. La garantie d’une constitution adaptée à l’évolution du monde, choisie par ses habitants. Ni par les citadins, les pêcheurs ou les commerçants, mais par l’ensemble des corporations et des sensibilités. Cela garantissait aussi la suppression au fur et à mesure des anciennes lois qui n’avaient plus de raison d’être. Pendant l’année qui allait s’écouler, chaque article de la constitution en vigueur serait reconsidéré, soupesé, décortiqué. Puis les nouvelles propositions verraient le jour, et commencerait alors la difficile synthèse jusqu’au texte final.

Depuis qu’il avait été choisi, Yerru avait lu avec attention le dossier qui lui avait été remis. Il avait intégré les devoirs de sa charge de représentant, pris connaissance de l’ensemble des articles de la constitution en vigueur, et détaillé les propositions proposées par Tvinton. Dire qu’il avait participé à leur élaboration sans se douter que ce serait à lui de les présenter ! Comme partout sur la planète, chacun pouvait proposer ses idées, et elles étaient ensuite soumises au vote obligatoire pour déterminer lesquelles seraient partagées avec les autres Milliens. Ce processus était le préalable au choix des représentants afin d’éviter le favoritisme ou la corruption qui avaient régné pendant des siècles à Callysth.

Yerru ne s’inquiétait pas à ce sujet. Il savait que les discussions avaient pour objectif principal de trier l’ensemble des propositions pour jumeler celles qui seraient identiques, puis de voir comment les agencer en un ensemble cohérent. Il n’était pas du ressort de l’assemblée de juger du bien-fondé des articles, dès l’instant où ils avaient été approuvés par le peuple. Leur seule mission, d’une importance primordiale, était de les ordonner pour qu’ils soient compréhensibles et applicables sur toute la planète.

Cent six cités-États. À raison de deux représentants par cité, ils seraient deux cent douze. Yerru se demanda s’il y aurait des têtes connues. À cet instant, il ne savait même pas qui était le deuxième représentant de Tvinton. Il observa les alentours. Il reconnaissait le lieu. Tout le monde avait vu les images du complexe construit sur les eaux pour accueillir l’assemblée. Un ensemble temporaire qui serait déconstruit dans un an. Des Milliens commençaient à arriver sur la place. Il reconnaissait certains costumes traditionnels, mais d’autres lui étaient étrangers. Il échangea un sourire timide avec ses voisins et s’avança vers l’extrémité de la passerelle où les attendait le Mayor de Nyenone, leur hôte pour l’année qui débutait.

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