Albert était assis au bord de l’Anneau Sourcylien. Les pieds dans le vide et la tête ailleurs, il regardait sans la voir la planète Uhnythais, à quelques dizaines de kilomètres de lui. Depuis qu’il était arrivé sur l’Anneau, il se posait des questions. Quelle était sa place ? Prendrait-il un jour la suite de son père auprès des peuples de l’eau d’Uhnythais ? Pourrait-il au contraire devenir sédentaire et aider les habitants d’un territoire défini ?
S’ouvrir au monde était vertigineux. Tant qu’il vivait sur le continent, sa vision de l’avenir était simple. Continuer à vivre en harmonie avec la planète, soutenir les êtres de magie, prendre un jour après l’autre. Mais son arrivée à Armonia avait tout changé. Il avait découvert un univers plus vaste que son imagination, et des milliers de possibilités. Comment choisir ?
Comment savoir où était sa place ? Il aimait rire avec ses amis, prendre soin des plantes, écrire aussi. Fallait-il sacrifier une part de lui pour permettre aux autres de s’épanouir ?
Albert leva la tête, fixant le soleil blanc qui surplombait ce côté de l’Anneau. Il appréciait la lumière et la chaleur dispensées par l’astre, mais la douceur du soleil noir lui manquait. Il aimait choisir sur quelle face s’installer, en fonction de son humeur. Comment choisir l’une aux dépens de l’autre ?
Si seulement, il existait un mode d’emploi. Une ligne directrice, avec des points de convergence et des routes secondaires. Un plan de vie où les conséquences de chaque choix seraient claires et où il pourrait se décider en toute quiétude.
Au moment où cette idée traversait son esprit, il sourit. Il s’était toujours adapté aux aléas de la vie itinérante qu’il menait avec son père, et jusqu’à présent, il n’avait pas mesuré son besoin d’habitudes et de sécurité. Quitter Uhnythais avait ébranlé son quotidien. Il avait longtemps cru que les voyages permanents l’avaient immunisé contre la régularité répétitive d’une vie sédentaire. Il se rendit compte qu’il n’en était rien.
Ce qu’il connaissait formait le cadre de son quotidien. Un espace rassurant et intime, quels que soient sa taille ou son confort. Le dépasser demandait du courage, pour affronter l’inconnu, de la volonté, pour persévérer devant les obstacles, et de la joie, pour avancer avec enthousiasme et confiance.
L’attention d’Albert revint sur ses pieds. Il avait toujours trouvé l’Anneau Sourcylien incroyable. Passer d’un côté à l’autre à travers un lac ou en montant un escalier restait inhabituel. Les collines de Marmoniah, côté soleil blanc, devenaient les gouffres de Marmoniah côté soleil noir. Concrètement, il ignorait comment il était possible de se tenir debout sur l’une ou l’autre des faces indistinctement. Mais au bout du compte, peu lui importait. Il ne lui appartenait pas de découvrir l’origine des mystères du monde. Il pouvait simplement en profiter.
————————-