Je suis un brin d’herbe qui rêvait d’être un chêne.
Toute ma vie, j’ai cherché la stabilité d’une direction qui serait fixée une bonne fois pour toutes et me guiderait jusqu’au bout du chemin. Des dizaines de fois, j’ai pensé tenir le fil directeur. Et des dizaines de fois, il s’est cassé entre mes mains.
Résiliente et déterminée, j’ai poursuivi ma recherche et mon voyage, portée par cet espoir. Un jour, je trouverai.
Ces dernières semaines, un nouvel élan du cœur s’est installé. Emplie d’enthousiasme à l’idée d’une aventure dont je n’avais même pas rêvé, je voyais déjà mon chêne grandir. Aussi fort que le plus haut de Tronçais, il s’illustrait dans la forêt de l’humanité. Et puis, la réalité, ma réalité, s’est imposée.
Se rêver chêne lorsqu’on est graminée, c’est une illusion. C’est abandonner la plus belle part de mon être, celle qui ondule au gré du vent, pour me montrer inflexible comme le tronc d’un arbre. Raidie dans ma quête, j’ai oublié de profiter de chaque saison. Mon être est moins altier, mais il est joyeux, curieux, spontané et prêt à expérimenter toutes les aventures.
Simplement, il n’est pas taillé pour la permanence. Il a besoin de liberté. Celle de tenir jusqu’à l’hiver si l’envie lui prend, comme celle de ne pas pousser au printemps si les conditions ne sont pas réunies. Cesser de croire que l’autoroute m’attend alors que je n’espère que les petites routes de campagne, ombragées et pleines de surprises, c’est choisir de sauvegarder ma vitalité envers et contre tout.
Conserver mon être plein et entier en abandonnant les plans qui me demandent d’ostraciser une part de moi. Accepter, enfin, de rêver mon être en grand. Je peux illuminer les prairies en été et tenir jusqu’à l’hiver. L’an prochain ? Eh bien nous verrons. Je vous promets en tout cas de rester connectée au présent de l’instant et d’utiliser son énergie pour vous saluer comme il se doit.
Je vous laisse. Il reste quelques belles journées, et je profite de la pluie pour réfléchir à mes possibles. Suivre l’énergie de l’instant ne signifie pas agir dans la précipitation et le désordre. Envisager toutes les options me permet d’être prête à toute éventualité. Pour me révéler dans la lumière et la chaleur, certaine d’être à ma place. Pour un instant.