Un mensonge peut en cacher un autre
Chapitre 6) Marthe
Marthe referma la porte derrière le livreur et rangea ses courses. Elle remerciait le ciel des progrès technologiques qui lui permettaient de faire ses achats sans bouger de chez elle. Depuis qu’elle était en retraite, elle détestait faire les magasins avec tous les petits vieux qui prenaient leur temps et ralentissaient tout. Heureusement pour elle, sa voisine était formidable. Une jeune femme comme on n’en fait plus, gentille, serviable et toujours de bonne humeur. Elles avaient trouvé un arrangement parfait. Marthe recevait les livraisons à domicile et stockait tout pour sa voisine. En échange, celle-ci se chargeait des courses en ville.
Pour Marthe, c’était idéal. Elle s’occupait l’esprit et se gardait en forme en surfant sur internet quotidiennement, sans compter les visites régulières pour les colis. Elle aimait aussi sortir, surtout pour aller au cinéma ou au musée, mais sept jours de libre par semaine c’était beaucoup trop. Elle qui avait toujours été très absorbée par sa carrière d’hôtesse de l’air ne supportait pas le vide laissé par l’arrêt de son activité professionnelle. Cependant, la retraite lui avait soudain ouvert les yeux sur le besoin fondamental de se créer un cocon, d’avoir enfin un pied-à-terre qui soit un vrai foyer. D’ailleurs, c’est ce qui meublerait les prochains jours. Après des années à louer un studio exigu à Paris puisqu’elle n’était jamais là, elle avait sauté le pas et venait d’acheter un appartement de plain-pied en plein centre de Clermont-Ferrand. Elle avait trouvé grâce à son neveu un trois-pièces lumineux avec un jardinet qui serait parfait. Elle préparait ses cartons depuis la veille. Elle avait peu d’affaires finalement, si l’on considérait qu’elle avait passé près de trente ans ici. Elle avait tout de même loué un petit camion pour les meubles, mais un seul voyage suffirait. Elle le conduirait elle-même jusqu’en Auvergne puisqu’elle n’avait pas de voiture. À Paris, ça ne servait pas à grand-chose. Une fois installée à Clermont, elle reprendrait quelques heures de cours et s’achèterait une citadine. Elle n’allait pas en province pour s’enfermer chez elle et prévoyait de visiter la région de fond en comble.
Son neveu Bruno et quelques amis devaient l’aider à décharger ses affaires. Il lui avait fallu des mois pour se décider, mais maintenant, elle avait hâte.
Elle se demanda si ses nouveaux voisins seraient aussi agréables que ceux-ci. Enfin, elle verrait bien, il était trop tard pour reculer. Marthe ferma un carton sur lequel elle indiqua « vêtements d’hiver » et en attrapa un autre pour emballer la suite de ses affaires.