Un mensonge peut en cacher un autre
Chapitre 12) La vengeance est un plat qui se mange froid
Lila rongeait son frein. Elle avait besoin de laisser retomber la colère qui l’avait saisie au VGA avant de décider de la conduite à tenir. Elle ne pouvait pas se permettre d’agir sur un coup de tête et de faire ou dire des choses qu’elle regretterait ensuite.
Même si elle était contrariée, cela n’occultait pas trente ans d’amitié. Il fallait qu’elle retrouve suffisamment de calme pour donner à Tristan le bénéfice du doute et essayer de voir la situation de son point de vue.
Elle se resservit un smoothie au gingembre censé aider à la relaxation et reprit ses exercices de respiration. Un, j’inspire profondément en laissant l’air remonter le long du dos. Deux, j’expire en poursuivant par une descente sur le visage, la poitrine et le ventre. Après quinze mouvements, Lila commençait à oublier sa colère. Après vingt-trois, elle flairait le comique de la situation. Et lorsqu’elle termina sa série, enfin pleinement détendue après trente-deux respirations, elle riait.
Lila était journaliste dans l’âme. Elle avait su très vite ce qu’elle voulait faire dans la vie : raconter des histoires. Cette faculté à mettre en mots l’existence des autres s’accompagnait d’une excellente capacité à imaginer des histoires différentes à partir de faits concrets. La situation de Tristan était une mine d’or pour elle. Imaginer un boucher charcutier se faisant passer pour un végétarien afin de conquérir une femme, c’était hilarant. Le connaissant bien, Lila concevait sans peine le travail que ça lui demandait de donner corps à son mensonge et de cacher qui il était réellement. Sans parler du journalisme sportif ! Tristan avait toujours détesté la compétition. Il aimait le sport pour se détendre, partager un moment entre amis, mais l’idée d’aller au-delà de ses forces et de la douleur pour atteindre un objectif ne faisait pas partie de sa philosophie. Et puis il exécrait Raoul. S’inspirer de lui pour se créer une fausse identité révélait sans aucun doute le trouble dans lequel Isabelle l’avait mis. Lila sentait que si elle continuait un peu elle aurait bientôt pitié de lui et ça, il n’en était pas question. Elle avait retrouvé son humour, mais elle était déterminée à trouver un moyen de clarifier la situation.
Connaissant l’amitié qui liait Bruno à Tristan, elle se dit que lui aussi devait être au courant. D’ailleurs, il avait certainement les effets secondaires de cette romance. Si Tristan avait omis de dire à Isabelle qu’il était boucher, il n’allait sûrement pas travailler à la boutique. Lila savait maintenant par où commencer. Étape 1 : Bruno.