Un peu de douceur
Moi c’est Bernard, j’ai quarante-trois ans et je suis serveur dans une brasserie du centre-ville.
Je ne suis pas originaire de la région. Je viens d’un petit village du Bordelais, très conservateur. Mes parents possédaient un restaurant, très apprécié des vacanciers et des habitants, avec une cuisine simple à base de produits frais. J’aurais aimé prendre leur suite, mais c’était avant de me rendre compte que j’étais homosexuel. Ça a été un choc, mais dès l’adolescence, je n’avais aucun doute. J’ai passé quelques mois à osciller entre cacher ma situation et tout dire à mes parents. Des hauts et des bas, entre l’envie de m’affirmer et la peur du rejet. J’en étais malade. Des angoisses qui me réveillaient la nuit, des douleurs intestinales qui me pliaient en deux.
Un jour j’ai décidé d’affronter mes peurs. Je l’ai annoncé à mes parents. Je vois encore le soulagement de ma mère.
« Alors c’est ça ? Tu nous as fait peur, tu sais. On se demandait si tu te droguais ou si tu avais des problèmes au lycée. »
Finalement, ce n’était pas si terrible. Enfin pour moi et pour eux, dans le cercle familial.
À l’extérieur, ça n’a pas été la même chanson. Ce qu’il y a de tragique avec le conservatisme figé, c’est qu’il repousse tout ce qui vient déranger ses habitudes. Mieux vaut un inconfort connu qu’une alternative inédite. La douleur familière est rassurante. L’inconnu fait peur, tellement peur qu’on n’ose même pas lui adresser la parole. Des fois que ce serait contagieux ou que ça remettrait en cause les belles certitudes encadrées sur le mur du salon.
Si Dieu est une femme, j’aimerais bien qu’elle nous aide à sortir de notre zone de confort.
Du mouvement, du changement, de l’évolution. En douceur pour une fois ?
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