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Le rêve de Nicolas – Ch 40

Le rêve de Nicolas, un roman de Sandrine Walbeyss

Approbation paternelle

Grâce à l’annonce de Mathias, ou à cause d’elle, selon le point de vue qu’on adoptait, l’arrivée de Salomé dans ma famille s’était déroulée sans heurts. Dès le repas suivant, elle faisait partie des meubles. Il faut dire que c’était l’entrée de Ben dans la cage aux lions, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle avait de l’allure, son entrée.

Dans la famille, nous ne sommes pas petits, mais nous ne touchons pas les nuages non plus. Nous sommes dans une normalité moyenne. J’attrape sans difficulté une conserve sur le rayon du haut, mais j’ai besoin d’un escabeau pour changer une ampoule. Ben a un format… différent. Basketteur en Pro B, il tutoie le double mètre, a des péniches qui chaussent du 48, et une musculature d’athlète de haut niveau. Autant vous dire que le paternel a ravalé tout sec les remarques acerbes qu’il avait préparées, l’accueillant avec un « Bonjour Benjamin » des plus soft.

Par contre, mes déboires professionnels étaient revenus en force sur la place, puisque jugés moins sensibles que d’autres sujets. À ma grande surprise toutefois, le ton de mon père avait changé. Il me posait des questions, apparemment soucieux de savoir pourquoi j’avais fait ce choix. Je restais circonspect dans mes réponses, peu habitué à un intérêt sincère, et attendant à tout moment un scud paternel, qui ferait voler en éclats la moindre confidence accordée sur l’autel de la blague. Tout s’était bien passé jusqu’à sa remarque finale. « C’est bien jardinier. C’est un bon métier, la terre, les arbres, c’est concret, pas comme fleuriste, ça, c’est un truc de pédé, c’est pas… heu… enfin, c’est pas ce que je voulais dire, hein, c’est juste… heu…

— Oui, papa, on a compris, jardinier c’est bien. » Je n’avais pas pu m’empêcher de voler à son secours. Après tout il avait voulu me soutenir face au lâchage de Lulu. Venant de lui, c’était touchant. Bon, au passage il avait égratigné Mathias, dommage, mais on ne change pas trente ans d’habitudes en deux semaines. Pour la première fois, je me demandais si toutes ces remarques blessantes n’étaient pas plus maladroites que méchantes.

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