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Le rêve de Nicolas – Ch 32

Le rêve de Nicolas, un roman de Sandrine Walbeyss

Bonne nouvelle

Nicolas n’était pas rentré chez lui depuis deux jours. Il avait laissé quelques affaires chez Salomé depuis plusieurs semaines, et il ne passait pas systématiquement dans son appartement. Ce jour-là, il arriva en milieu de matinée. Il n’était pas attendu au travail avant treize heures, et il avait du ménage à faire. Il récupérait son courrier dans la boîte à lettres sans y prêter attention lorsqu’il sentit une enveloppe rembourrée. Écartant les prospectus, il l’attrapa fébrilement. La réponse de l’école ! Il soupesa l’enveloppe tout en déchirant le rabat. Elle semblait un peu lourde pour une lettre de refus. Quelques publicités glissèrent à ses pieds sans qu’il s’en préoccupe lorsqu’il sortit la liasse de papiers de l’enveloppe. Monsieur Nicolas Diston… bla bla bla… nous avons le plaisir de vous confirmer votre inscription en BTSa Aménagements paysagers en alternance… Génial !!!! Wouaouhhhh !!! Je suis pris, je suis pris, je suis pris !

Nicolas ramassa en vitesse ce qui était tombé, referma à peine la boîte et monta les escaliers quatre à quatre. Arrivé chez lui, il jeta ses chaussures et son blouson dans un coin, posant le reste du courrier au passage pour aller s’installer à la table du salon. Il relut en détail la lettre de l’école. Il souriait tout en feuilletant le dossier. Tout était parfait. Il allait pouvoir donner sa réponse à Lambert. Merci pour votre offre, mais non merci. J’ai mieux à faire. Il riait d’avance aux échanges avec ses collègues quand elles apprendraient la nouvelle. Pour l’instant, il ne leur avait parlé de rien.

Le dossier à remplir par le maître d’apprentissage. Il regarda l’heure, il avait le temps de faire un saut à la boutique de Lulu pour lui laisser les papiers. Il récupéra son sac à dos, mit les feuilles dans une chemise et sauta dans ses baskets. À vélo, il ne lui faudrait pas plus de quinze minutes pour y aller. Anticipant la joie de Salomé quand il lui raconterait, il se dit qu’ils pourraient aller au resto pour fêter ça. Laissant son vélo attaché au coin de la rue, il entra dans la boutique et se trouva face à un jeune homme. « Bonjour, monsieur, je peux vous aider ? » Surpris de rencontrer quelqu’un d’autre que Lulu, Nicolas hésita une seconde. « Monsieur ?

— Oui, pardon. Est-ce que Lucille est là ?

— Elle est occupée, c’est à quel sujet ? » Pour qui se prenait-il celui-là ? Ce n’est pas un stagiaire de troisième qui va m’empêcher de la voir.

« C’est une affaire privée. Elle est derrière ? » Sans attendre la réponse, Nicolas contourna la caisse et entra dans le bureau. « Salut Lulu, ça va ?

— Ah Nico, salut. Oui, oui, bien, et toi ?

— Super ! J’ai été pris à l’école, et je t’amène le dossier. » À ces mots, Lucille s’arrêta. Merde. Nico. La reconversion. Elle se mordit les lèvres, cherchant quoi dire. Elle avait répondu à son bonjour machinalement. Elle était habituée à voir ses amis passer à la boutique pour un oui ou un non, et elle avait oublié la proposition qu’elle avait faite à Nicolas. Enfin non. Si elle était honnête, elle n’avait pas oublié du tout, mais elle avait bien espéré que lui oublierait. Elle n’osait pas le regarder.

« Lulu ? T’as entendu ? » Oh oui, j’ai entendu. Merde, remerde et archi merde. « Lulu ? » Nicolas commençait à redescendre de son nuage. Un truc clochait. Elle aurait dû être aussi contente que lui, l’accueillir avec un grand sourire et lui demander quand il allait débuter. Pas ça. Elle ne l’avait même pas regardé. « Lulu ?! Ohh ! Je te parle ! »

Lorsqu’elle leva enfin la tête, Nicolas regretta presque qu’elle l’ait fait. Il avait compris que c’était foiré. Pfuit ! En une seconde il était passé du type le plus heureux du monde au dernier des losers.

Quand il récupéra son vélo, le dossier pesait une tonne dans son sac. Il était presque soulagé que la pluie arrive, le temps se mettait au diapason de sa journée de merde. Tu comprends, toi tu fais un apprentissage niveau BTS, alors ça me coûte plus cher, tandis que Tanguy est en CAP. Ben voyons. Je suis désolée Nico, mais t’inquiète pas, tu vas bien trouver autre chose, et puis c’est pas comme si t’avais rien d’autre. T’as un boulot en attendant. Foutaises. Tu ne sais rien de ma vie. Et t’en as rien à foutre d’ailleurs, sinon tu m’aurais appelé. T’assumes même pas tes décisions. Nicolas savait que c’était ça le pire. Il l’aurait sans doute mal pris, mais au moins il aurait eu le temps de chercher autre chose. Là il lui restait moins d’une semaine pour donner sa réponse à Lambert et il était le bec dans l’eau. Ça lui faisait une belle jambe d’être accepté à l’école s’il n’avait pas d’apprentissage. Merde, putain ! Arrêté au feu rouge, Nicolas laissa le chagrin couler avec la pluie sur son visage. Des larmes de colère, de frustration et d’impuissance devant l’injustice de la situation.

Comment une journée qui avait si bien commencé avait-elle pu déraper à ce point ?

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