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Le rêve de Nicolas – Ch 03

Le rêve de Nicolas, un roman de Sandrine Walbeyss

Jessica

Nicolas s’approchait de son vélo, un seau à la main. Il avait repoussé le nettoyage autant qu’il l’avait pu, mais il avait fini son service et s’il voulait rentrer chez lui, il fallait y passer.

Suzie avait bien proposé de l’aider, mais il savait que cela l’obligerait à attendre le bus de 19h40, et il avait refusé. Lucie n’avait rien dit. De toute façon, avec ses ongles manucurés, elle devait faire le ménage comme sa sœur Clarisse, avec un abonnement au télé-achat pour tous les gadgets qui nettoient sans frotter.

Il attrapa l’éponge, versa une partie du liquide sur la roue en question, et se mit à frotter. Quelle galère. En plus il allait devoir attendre que ça sèche avant de monter le vélo sur le palier. Sinon le proprio allait encore débarquer. Déjà qu’il n’avait pas apprécié le ficus. Dommage. Un peu de verdure ne faisait pas de mal à la cage d’escalier. Le problème du ficus était l’enthousiasme des voisins. Tous avaient eu peur qu’il manque d’eau, à tel point que la réserve du bac avait fini par déborder, laissant une trace dégoulinante jusqu’au rez-de-chaussée. Nicolas avait bien essayé d’arguer que ça sécherait, les marques noires du terreau détonnaient sur le tapis beige de l’entrée. Exit le ficus.

Nicolas versa ce qui restait au fond du seau sur l’arrière du vélo, et s’approcha du magasin pour remplir le seau d’eau pour le rinçage. Pour un mois de décembre, il ne faisait pas froid, surement grâce au réchauffement climatique. En attendant, il appréciait de ne pas se geler les doigts à laver son vélo. « Bonjour Nicolas. » Jessica. Il aurait reconnu sa voix entre mille.

« Bonjour Jessica. Comment ça va ?

— ça va, et toi ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Vous nettoyez le trottoir maintenant ?

— Oh, non, c’est juste mon vélo.

— À cette heure-ci ? Ça ne pouvait pas attendre ?

— Non. Un clebs s’est lâché sur la roue arrière, alors…

— Oh, je vois. » Elle fit une grimace. « Je parie que c’est un rottweiler avec un type entre deux âges, toujours une cigarette au bec.

— Oui, mais comment… tu le connais ?

— Malheureusement oui. Il laisse son chien pisser partout et les mégots en prime. Un jour sur deux, je suis obligée de nettoyer l’entrée du studio. Tu imagines la tête des parents si les mômes voient ça en arrivant ?

— T’as pas appelé les flics ?

— Si, mais ça n’a servi à rien. Leurs rondes ne tombent jamais à la bonne heure. Tu comprends, un type mal élevé, c’est pas leur priorité.

— Il n’y a rien à faire alors ?

— Si, enfin peut-être.

— Quoi ?

— Ben, une copine m’a dit de mettre du piment. Il paraît que ça brûle les muqueuses des animaux parce que c’est trop fort, et du coup ils évitent le coin.

— T’as essayé ?

— Non, pas encore. Je ne voudrais pas faire de mal au chien, il n’y peut rien lui si son maître est con.

— C’est drôle, j’ai une cliente qui m’a dit presque la même chose. Tu as fini ta journée ?

— Non je commence. Le lundi soir, c’est les cours pour adultes. J’en ai jusqu’à vingt-deux heures. D’ailleurs il faut que j’y aille, les premiers ne vont pas tarder, à bientôt ! »

Nicolas la regarda partir avec sa démarche de danseuse. Quand il en avait marre de servir des cafés et des parts de pizzas, il lui suffisait en général d’imaginer le studio de danse et Jessica qui souriait. Peut-être qu’un jour il aurait le courage de l’inviter à prendre un verre. Il ne savait même pas si elle avait quelqu’un dans sa vie.

De retour près du vélo avec l’eau propre, il trébucha sur la bouche d’égout et s’aspergea copieusement. « Et merde ! Fais chier ! » Il était bon pour passer la serpillère dans l’escalier une fois qu’il serait arrivé chez lui. Entre le vélo tout juste rincé et ses baskets dégoulinantes, aucune chance qu’il passe inaperçu. À croire que tout s’était ligué contre lui et qu’il traînerait cette poisse jusqu’à la fin de la journée. 

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