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Le doute et la certitude

Le doute et la certitude, Sandrine WALBEYSS

Chaque matin, le doute s’interroge. Que va-t-il découvrir aujourd’hui ? Quelle nouvelle pièce prendra place dans le puzzle de ses expériences ? Le doute fonctionne ainsi, par tâtonnements. Il observe le monde et teste une idée après l’autre. Lui semble-t-elle intéressante ? Il l’adopte. Lui est-elle étrangère ? Il l’analyse, pour élargir le champ de ses connaissances. Est-elle inaboutie ? Il la place de côté en attendant d’avoir l’information manquante.

Chez la certitude, rien de tout cela. Elle se lève chaque jour déjà focalisée sur son objectif. Elle n’a pas le temps de réfléchir à l’état du monde, elle est trop occupée à le sauver. Sur son échelle de valeurs, seulement deux colonnes s’étalent. Elle a passé tant d’énergie à les étalonner que chaque remise en question est un affront. Pour elle, aucun doute, le monde est blanc ou noir. Les demies teintes sont une perte de temps, une faiblesse.

Dès le point du jour, elle s’attelle à la tâche. Distribuer les bons et les mauvais points. Qui mieux qu’elle pour le faire ? Tout au long de la journée, elle s’échine à repérer les bons élèves. Un bon oint ne s’attribue pas à la légère. Il faut être certain qu’il est mérité. Tandis que la colonne des mauvais points se remplit à vue d’œil, celle des bons stagne. Il est si difficile d’isoler la perfection !

Lorsque sa journée est terminée, la certitude est épuisée. Elle se demande combien de temps elle tiendra. Éreintée, elle contemple ses deux colonnes. Tous les soirs, les mauvais points gagnent la course. Elle est parfois tentée d’adapter le niveau, d’accepter des bons points un peu écornés, un peu moins parfaits, mais ils détonnent dans la case des immaculés. Alors la certitude s’endort en espérant que demain, enfin, la tendance s’inversera.

Le doute regarde sa voisine. Elle est parfois insupportable avec ses règles et ses normes au cordeau, mais quelle vaillance ! Elle s’épuise au travail jour après jour, à courir après quelque chose qui n’existe pas. Il y a longtemps que le doute l’a compris. Rien n’est tout à fait blanc ou tout à fait noir. Le monde est bien plus complexe que cela. L’eau qui donne la vie peut aussi inonder. Faut-il pour autant arrêter de boire ?

Chaque expérience enrichit le doute. Il prend le temps de les observer et de comprendre comment elles fonctionnent. Ainsi, il place chaque composant au bon endroit, équilibrant sans s’en rendre compte son quotidien.

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