Lorsque j’ai commencé à écrire, il y a quelques années, je n’avais pas de doutes. Après avoir passé vingt ans à chercher ma passion, je venais de le découvrir. Dès lors, rien ne me paraissait impossible. Je me voyais déjà choisissant mon éditeur parmi ceux qui m’avaient répondu, tous bluffés par mon style, mes histoires et mon professionnalisme.
Lorsque j’ai continué à écrire, je me suis rendu compte que la concrétisation de mon rêve, trouver des lecteurs à qui mes romans plairaient, était moins évidente qu’elle ne le paraissait. Passer au crible des comités de lecture devenait l’écueil incontournable sur lequel s’échouaient toutes mes tentatives. Jusqu’à ce jour où, ayant envoyé un soir mon deuxième roman par mail à une petite maison d’édition, je reçus le lendemain matin un message m’indiquant « j’ai lu votre roman, appelez-moi ». Incrédule, je vérifiai à 3 reprises la date de mon envoi, l’adresse du mail réceptionné et failli sabler le champagne ! Après tout, c’était la première fois que je recevais autre chose qu’un « notre comité de lecture n’a pas retenu votre manuscrit pour toutes les raisons que vous pouvez imaginer » d’un éditeur à compte d’éditeur. J’avais en effet déjà compris à ce stade que toutes les réponses qui arrivaient en moins d’un mois assorties d’un contrat ne manquaient pas de me préciser les lacunes de mon roman, en particulier sur le plan de la grammaire et de l’orthographe, et le coût des relectures et corrections nécessaires. Lorsque j’ai appelé l’éditrice qui m’avait envoyé le mail, j’ai découvert le métier d’éditeur. Un regard extérieur sur notre travail de création. Un œil avisé, bienveillant mais impitoyable, peu concerné par les problèmes d’ego ou d’attachement de l’auteur. C’est ce jour-là, je crois, que j’ai définitivement décidé de trouver un éditeur pour mes romans. Un professionnel pour m’aiguiller, m’aider à progresser et à proposer à mes lecteurs un projet abouti.
Lorsque j’ai appris à écrire, j’ai changé de dimension. Grande lectrice, mais auteure autodidacte, j’ai découvert les différentes strates de l’écriture. L’inspiration qui guidait mes doigts sur le clavier, les morceaux de papier griffonnés dans le noir à 4h du matin pour ne pas réveiller mon mari, les notes jetées sur un post-it arrêtée au feu rouge. Tout cela, c’est la matière brute de mes histoires. Au fil des rencontres et des lectures, j’ai découvert le métier d’écrivain. Un travail d’orfèvre pour utiliser le bon mot au bon moment. Distiller les informations au bon rythme. Travailler et retravailler un texte jusqu’à l’amener à l’essence la plus pure du sujet. Nettoyer les approximations, les facilités, les digressions inutiles. Après un an de labeur, j’ai appris à apprécier autant le travail de correction que l’écriture à proprement parler. Je sais ce que je cherche, le résultat que j’attends, et comme un menuisier ponce son meuble avant d’appliquer les finitions, je traque les déséquilibres. Comme en décoration, parfois, lorsqu’un ensemble est disharmonieux, il suffit d’enlever quelque chose pour résoudre le problème.
Lorsque j’ai cherché quoi écrire, j’ai réalisé divers essais. Des articles, des récits courts, des nouvelles. Le policier, les comédies romantiques, le fantastique. Au bout du compte, mes histoires me semblent inclassables. Il y a de la magie, mais dans un autre monde. Des humains, mais sur d’autres planètes. Des galaxies, mais pas de science pour voyager de l’une à l’autre. Peut-être qu’un jour quelqu’un les jugera suffisamment intéressantes pour leur trouver une case, ou pas. Ce que je sais, c’est que la création de l’univers est mon premier travail et l’un de mes plus grands plaisirs. Dessiner les plans, pays, planètes, galaxies. J’aligne les contours des continents, le tracé des cours d’eau, des routes, des voies ferrées. Je donne naissance aux montagnes, aux lacs, aux océans et aux îles. J’invente des noms par dizaines, et je pioche dedans pour donner la vie à mes cartes. Chacun d’entre eux enracine une énergie, une idée qui vient nourrir mes fictions. Je pars dans ces univers comme en vacances, je repère les climats, la géographie, l’histoire. J’aime les récits qui me font sortir de mon quotidien. Ceux qui m’emmènent ailleurs.
Aujourd’hui, je sais que mes romans ne sont pas parfaits et que je ne suis qu’au début du chemin. J’ignore si je trouverai des lecteurs ou un éditeur. Mais j’aime écrire. J’aime découvrir les histoires à mesure que je les écris. J’aime les rencontres que j’y fais, les mondes que je visite, la vision de la vie qui s’y dessine. Alors aujourd’hui, j’écris d’abord pour moi, et puis peut-être pour vous ?
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